TOXEMIE DE GESTATION
(Maladie des agneaux jumeaux)

Epidémiologie – Symptômes – Lésions – Diagnostic -
Conduite à tenir – Prophylaxie – Bibliographie

Epidémiologie
ETIOLOGIE :  

• Cette maladie métabolique associe une hypoglycémie et une cétose, elle est observée dans les deux à six semaines précédant la mise bas.


• Elle est causée par un déséquilibre entre l’apport et le besoin en énergie, qui peut être dû à une alimentation pauvre en énergie, un défaut d’absorption, et un besoin accru des fœtus.

FACTEURS FAVORISANTS :

• Ils peuvent être d’origine alimentaire :
  • excès d'énergie (notamment de concentré) en fin de lactation (acidose ruminale entraînant une anorexie conduisant à une cétose)
  • sous-nutrition (par une ration trop pauvre en énergie ou part l'effet d'une maladie associée induisant une diminution de la consommation alimentaire), surtout en fin de gestation
  • déficit énergétique aggravé par une ingestion insuffisante de la ration du fait de la réduction du volume du rumen en raison de la place occupée par l'utérus dans l'abdomen
  
  
• Il peut s’agir d’éléments propres à l’individu :
  • Les femelles dont les réserves sont très faibles (note d’état inférieure à 2, toxémie de carence plutôt rare) ou les femelles très grasses (note d’état supérieure à 4, toxémie de pléthore) avant la gestation sont plus à risque.
  • toute atteinte hépatique (surcharge graisseuse chez les animaux trop gras, parasitisme intense : grande ou petite douve)
  • gestation multiple.
  • absence d'exercice musculaire ne permettant pas la consommation des corps cétoniques et la production de lactate, précurseur de la néoglucogénèse
  • inconfort : courants d'air, écarts thermiques, qualité de la litière, stress
  • âge : notamment après la 3ème lactation
  • la variation individuelle est très marquée chez les chèvres, en effet un certain nombre présentera une toxémie alors qu’une grande majorité feront une acétonémie subclinique.

PATHOGENIE :

• La croissance fœtale est très importante les six dernières semaines de gestation (acquisition de 80% du poids). Chaque fœtus de brebis nécessite 30 à 40g de glucose par jour en fin de gestation, ces besoins sont satisfaits prioritairement aux besoins maternels.


• Pour subvenir à ces besoins, l’organisme puise dans ses réserves glucidiques, ainsi le glucose sanguin est consommé et le foie intensifie la néoglucogenèse.


• La place prise par le fœtus réduit considérablement celle des organes digestifs notamment du rumen, la capacité d’ingestion de la mère en est ainsi diminuée.


• Lorsque les réserves glucidiques sont épuisées et que l’alimentation n’apporte plus suffisamment d’énergie on peut voir deux profils :
  • Chez les femelles maigres : le foie ne possède plus suffisamment de glucose pour traiter les corps cétoniques qui s’accumulent alors dans le sang, il y a alors cétose.
  
  
  • Chez les femelles grasses, pour apporter suffisamment d’énergie, l’organisme mobilise les réserves adipeuses. La lipomobilisation excessive conduit à la libération massive d’acide gras qui sont à l’origine de la formation de corps cétoniques (acétone, acide acéto-acétique, acide ß-hydroxybutyrique). La présence de ces corps cétoniques dans le sang entraîne une acidose et exerce une action toxique sur le système nerveux. L’augmentation de la lipomobilisation peut submerger les capacités du foie en entraînant ainsi une lipidose.

Conclusion :

Symptômes

• Ils apparaissent majoritairement dans le dernier tiers de la gestation sous forme d’encéphalopathie.


• Les symptômes évoluent progressivement à commencer par une dépression. La femelle semble apathique, maladroite, déprimée, anorexique.


• 24 à 48 heures après les premiers symptômes, l’animal perd toute réactivité aux stimuli extérieurs :
  • les réflexes auditifs et visuels sont absents
  • la pupille reste normale alors que le réflexe de clignements à la menace a disparu
  • la proprioception est perdue.
  
  
• Le polygone de sustentation est augmenté, la démarche difficile.


• L’animal ayant des difficultés à se déplacer ne peut ni se nourrir ni aller jusqu’au point d’eau. Il se trouve souvent atteint de constipation.


• Après deux ou trois jours, la femelle reste en décubitus sternal en position de self-auscultation, incapable de se relever avant de se retrouver en décubitus latéral.


• L’animal présente d’autres troubles nerveux : amaurose, nystagmus, tremblements, grincements de dents hyperesthésie mouvements en cercle, pousser au mur...


• La maladie atteint une phase irréversible d’encéphalopathie hypoglycémique. L’acide acéto-acétique par sa toxicité (réduction de la consommation d’oxygène par le cerveau) accentue les effets de l’hypoglycémie.


• Dans 90% des cas, la mort survient au bout de la première semaine. Les survivantes ont une mise bas dystocique suivie d’une rétention placentaire et un mauvais début de lactation.


• Dans certains cas, la mort d’un ou de tous les fœtus peut permettre une amélioration chez la mère, cependant si le col ne s’ouvre pas, l’infection bactérienne de ces fœtus provoque une toxémie.

Lésions

• Le foie présente une forte infiltration graisseuse. Sa taille est plus grande que la normale, il est hypertrophié, pâle et friable. Sa couleur devient jaune orangé. La présence de lipidose peut être mise en évidence par le test de flottaison, un foie normal coule ce qui n’est pas toujours le cas chez les animaux atteints de toxémie de gestation au stade de lipidose pathologique (avec plus de 30% de graisses il flotte).


• Les glandes surrénales présentent aussi des anomalies. Elles sont hypertrophiées et friables, leur corticale est hémorragique alors que leur médullaire est de coloration plus pâle que la normale.


• De même on peut parfois noter une décoloration des reins et une consistance plus friable.


• Chez les sujets très maigres, une atrophie sévère des graisses périrénales et cardiaques est visible.


• On peut observer chez la chèvre la présence d’un œdème sous-cutané en partie déclive des membres.


• Une lipomobilisation est décelable au niveau de l’épiploon à travers un tissu adipeux présentant des « taches de bougie ».

• Hypocalcémie
• Hypomagnésémie
• Listériose
• Cénurose
• Entérotoxémie de type D
• Nécrose du cortex cérébral,
• Intoxication (cuivre, plomb)
• Maedi visna

DIAGNOSTIC CLINIQUE

• L’anamnèse est souvent très suffisante pour diagnostiquer une toxémie de gestation : femelle au dernier tiers de gestation, portée multiple, présence d’un facteur de stress, état sanitaire du troupeau...


• L’examen clinique permet de noter des troubles neurologiques, une odeur de pomme verte (acétone) reconnaissable se dégageant de l’haleine des animaux atteints, une femelle très maigre ou très grasse.
  

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Biochimie sanguine :

• L’hypoglycémie n’est pas constamment retrouvée chez les individus atteints. Chez les ovins, les valeurs de la glycémie sont comprises entre 0,4 et 0,7 g/L. Cependant la mesure de la glycémie n’est pas un test intéressant.


• Le dosage des corps cétoniques sanguins est un bon test diagnostique. On peut conclure à une toxémie de gestation lorsque ces taux sont supérieurs à 30 mg/dL, de même lorsque les taux de ?-hydroxybutyrate sont supérieurs à 5,0 nmol/L.


• Dans de nombreux cas on peut noter parallèlement la présence d’une hypocalcémie, d’une hypomagnésémie ainsi qu’une hausse des enzymes hépatiques (AST...)

Biochimie urinaire :

• Elle permet une estimation de la présence de corps cétoniques dans les urines.

Conduite à tenir
TRAITEMENT :

• On cherche à limiter la mobilisation du glycogène hépatique en apportant du glucose ou des précurseurs du glucose.
  • Pour cela on peut administrer une solution glucosée par voie veineuse accompagnée d’un réhydratant oral comprenant lui aussi du glucose ainsi que d’autres électrolytes. Ainsi on préconise l’administration de 50 à 100mL de dextrose à 24% en intraveineux et 50mL de monopropylène glycol deux à trois fois par jour pendant trois jours. Un drenchage de réhydratant oral pour veau ou pour agneau ou chevreau est très intéressant (l’insuffisance hépatique liée à la maladie compromet la transformation du propylène glycol en glucose, et n’a pas d’influence sur l’utilisation des éléments du réhydratant oral).
  
  
  • L’administration de dexaméthasone en intramusculaire ou en intraveineux permet une activation de la néoglucogenèse. Elle induit aussi la mise bas qui permet de limiter les exportations fœtales. L’administration de dexaméthasone peut être accompagnée d’une césarienne pour évacuer les petits si l’on est à proximité du terme. A plus d’une semaine du part, la survie des petits est quasi nulle. L'induction de la parturition chez la brebis consiste en l'injection de 20 mg de dexaméthasone, l’agnelage ayant lieu dans les 48 à 72h. Chez la chèvre l’administration de 10 mg de PGF2a (à une semaine du part) permet l’avortement, si la date du part est inconnue ou si les chevreaux doivent être sauvés, 20-25 mg de dexaméthasone permettent la mise bas.
  
  
  • L’injection en intraveineux de lysine-vasopressine (0.08 IU/kg) permet la fermeture de la gouttière oesophagienne, ainsi l’administration per os de glucose arrive directement dans l’abomasum et permet une hausse de la glycémie plus rapide.
  
  
  • Les précurseurs que l’on peut apporter sont le propionate de sodium (50 g deux fois par jour), le propylène glycol (100 g deux fois par jour), la mélasse (250g par jour), ou le lactate de sodium (100 g deux fois par jour).
  
  
• Il faut aussi limiter l’acidose métabolique, pour cela une perfusion en intra-veineux de bicarbonate ou de Ringer lactate est possible.


• L’utilisation d’hépatoprotecteurs tels que la choline, l’acétyl-méthionine, et la vitamine B12 est intéressante.
• La prise alimentaire doit revenir à la normale. Il faut donc favoriser la consommation d’aliment et la rumination.


• Des essais sur des hormones ont été entrepris (insuline, somatotropine bovine (andrews, 1996), mais leur incorporation en pratique courante est limitée.

GESTION DU TROUPEAU

• Il faut remettre en question la ration proposée aux femelles au tarissement ainsi que celle des femelles gestantes.

Prophylaxie
SANITAIRE :

• Il convient de ne pas engraisser exagérément les brebis en ante-partum mais stimuler l'appétit quelques semaines avant le part, de limiter les apports dans le premier mois de gestation pour éviter une trop grande production de graisse.

• Apporter des fibres fermentescibles à la fin de la gestation, des précurseurs du glucose, de l’énergie et des fibres.


• Donner le meilleur fourrage pendant la gestation afin de conserver une capacité maximale au rumen.


• Limiter les facteurs de stress : transport, réalottement, changement alimentaire brusque...


• Gérer intelligemment l’alimentation en fin de gestation :
  • Augmenter progressivement l’alimentation
  • Apporter suffisamment de concentré pour subvenir aux besoins des fœtus
  • Commencer la ration de fin de gestation environ 4 semaines avant le début des premières mises bas.
  • Par exemple des céréales à raison de 50/j/brebis jusqu’à atteindre 700 à 800g/j

CALCUL DES BESOINS EN FIN DE GESTATION :

• Besoins de la chèvre :
  • Besoins d’entretien :
    • Base de 60kg :              0,79 UFL                       50g PDI
    • variation de 10kg          0,10 UFL                        6,2g PDI
    
    
  • Besoins liés à la gestation :
    • 4° mois            + 0,047 x PP* UFL                 + 4,3g x PP* PDI
    • 5° mois            + 0,059 x PP* UFL                 + 9,2g x PP* PDI
      *PP = poids de portée (naissance simple = 4,2kg, double = 7,6kg, triple = 9,9kg)
    
    
• Besoins de la brebis :
  • Besoins d’entretien
    • Base de 60kg :              0,71 UFL                       57g PDI
    • variation de 10kg          0,20 UFL                        7g PDI
    
    
  • Besoins liés à la gestation (semaines avant agnelage):
    • 6ème-5ème           + 0,015 x PP* UFL             + 5g x PP* PDI
    • 4ème- 3ème          + 0,04 x PP* UFL               + 10g x PP* PDI
    • 2ème – 1ère          + 0,08 x PP* UFL                + 13g x PP* PDI
      *PP = poids de portée

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